Wahhabisme
Au début 18e siècle, alors que l’Empire ottoman domine le monde musulman depuis deux siècles, le centre de l’Arabie est en proie à quelques troubles politiques qui minent les relations entre tribus rivales. C’est dans ce contexte d’instabilité que naquit (en 1703) Mohammad Ibn Abdelwahab.
Très tôt, en suivant notamment les enseignements de son père, lui-même juge religieux, il devient un érudit. Il est influencé par les interprétations de l’école hanbalite la plus rigoriste de toutes.
Très vite, le wahhabisme bannit l’adoration des Awliya’a (littéralement les « alliés » de Dieu) pratique répandue chez les mystiques soufis qui se sont démarqués des rites orthodoxes de l’Islam.
Sous l’impulsion de son fondateur, cette nouvelle doctrine va donc « épurer » la religion de toute « innovation blâmable », appelée bidaa, et rechercher la pureté rituelle des trois premiers siècles de l’Islam afin de retrouver, selon Mohammed Ibn Abdelwahab, la notion d’unicité de Dieu, centrale pour l’Islam.
Selon cette nouvelle doctrine, même le Prophète ne doit pas faire l’objet d’un culte particulier. Les références ne doivent être que le Coran, la Sunna, les quatre imams fondateurs des écoles de jurisprudence et les travaux du jurisconsulte Ibn Taymiyya.
Le wahhabisme devient progressivement la forme la plus extrémiste du hanbalisme. Même si les membres de la communauté qui s’est constituée autour de la prédication de Mohammed Ibn Abdelwahab ne se définissent pas comme des wahhabites, il est évident qu’ils ont donné naissance à une nouvelle doctrine. Ses disciples se nomment Al-tawhidiyyoun, littéralement « ceux attachés à l’unicité de Dieu ». Les Saoudiens d’aujourd’hui se présentent, quant à eux, comme des hanbalites.
Ils estiment que les musulmans qui ne suivent pas leur doctrine sont des « associationnistes », qui associent d’autres divinités à Dieu, et à ce titre, encore plus condamnables que les chrétiens et les juifs qui étaient autorisés à prier chez eux et astreints à un impôt plus faible.
Le wahhabisme finira par unifier les notables du Nejd dans leur lutte traditionnelle contre ceux du Hedjaz. Il interdit les pèlerinages dans les lieux saints, à l’exception du sanctuaire de la Kaaba à La Mecque, privant les habitants de plusieurs oasis d’une partie de leurs revenus. Le pèlerinage sur le tombeau du Prophète à Médine est considéré comme impie et par conséquent banni.
Le Hedjaz professait, jusque-là, le courant le plus libéral de l’Islam, l’école hanafite suivie alors par l’Empire ottoman. En outre, à La Mecque vivaient les familles de Chérifs, les descendants du Prophète. Fiers de leur généalogie, ils refusaient que quiconque leur apprenne ce qu’ils considéraient comme le « véritable Islam ».
Les caractéristiques propres au wahhabisme en ont fait une doctrine qui, une fois mise au service d’un émir, peut le transformer de chef de razzia en combattant pour la religion vraie. À partir du moment où le wahhabisme adopte le djihad, il devient un vecteur d’expansionnisme militaire.
Finalement, le wahhabisme connaitra son essor au lendemain de la création, en 1932, du Royaume d’Arabie saoudite et se développera, au début des années 1960 notamment, sous le règne du roi Fayçal. Cette doctrine, encouragée par les États-Unis, est transformée en arme idéologique pour lutter contre le nationalisme nassérien.