Pourquoi le féminisme a-t-il besoin de la laïcité ?

À l’heure où différents courants féministes se déchirent entre eux sur la question du voile islamiste, il serait opportun de parler du lien entre l’acquisition de droits par les femmes et leur affranchissement historique vis-à-vis des dogmes religieux. En effet, pourquoi l’égalité hommes-femmes a-t-elle besoin de la laïcité ?

1 – Le lien historique entre féminisme et laïcité

Selon Henri Pena Ruiz, la laïcité « consiste à affranchir l’ensemble de la sphère publique de toute emprise exercée au nom d’une religion ou d’une idéologie particulière ». Autrement dit, la laïcité émancipe. Or, c’est précisément parce que le féminisme est une idéologie émancipatrice selon laquelle il ne devrait pas exister de différences, juridiques et sociales tout du moins, entre les deux sexes, qu’il suppose d’affirmer, à ses côtés, la laïcité.

Le combat pour l’égalité entre les femmes et les hommes ne peut pas en réalité être gagné sur le territoire d’une société non sécularisée, car une société non laïque est une société qui n’est pas complètement libre. Et justement sans liberté, il ne peut y avoir d’égalité entre les sexes.

2 – Laïcité et féminisme, fruits de la pensée moderne

La laïcité et le féminisme ont chacun été des revendications de liberté et d’égalité. Ils sont, à ce titre, des fruits de la pensée moderne qui souhaitait faire de la Raison le moyen exclusif du Savoir. Or, placer le rationnel en première position sur le reste c’est interdire à chacun de rester enfermé dans le carcan de sa condition de naissance, que celle-ci soit une condition de croyance ou de sexe.

Ainsi, laïcité et féminisme sont, avant tout, deux principes portés avec un même objectif : l’émancipation de toutes les composantes de la société. Cela ne signifie pas automatiquement se débarrasser d’une foi ou des « attributs » de son sexe, mais c’est a minima les placer au second plan par rapport à ce qui devrait tous nous rassembler. La laïcité fait la promotion de l’émancipation des personnes et l’égalité entre croyants et non-croyants devant l’État tandis que le féminisme, lui, a historiquement lutté contre les discriminations entre femmes et hommes dans leur citoyenneté. Dans les deux cas, il s’agit d’une lutte universaliste contre un ordre prétendument naturel des choses : la discrimination par la naissance et la discrimination par le sexe.

3 – L’avènement d’un « féminisme » anti-laïque

Il devient fréquent, depuis quelques années, de constater une forme de bigoterie au sein d’un certain militantisme « féministe ». Cette valeur se retrouve ainsi instrumentalisée sinon par des groupes revendiquant des idées religieuses, par des militants proches de ces courants.

Ainsi, à l’extrême gauche, Rokhaya Diallo ou Caroline de Haas assimilent par exemple le hijab, en l’occurrence le voile islamiste, à une émancipation du corps de la femme. Elles sont souvent solidaires des femmes ou des jeunes filles, souvent proches des milieux islamistes, qui refusent d’aller à la piscine « par pudeur ».

D’autres considèrent par ailleurs que la loi confortant les principes de la République serait « raciste ». Ils tentent de manipuler l’opinion publique en faisant croire que cette loi a pour objectif de se prémunir des logiques communautaristes, de lutter contre le séparatisme islamiste et de renforcer la laïcité et les principes d’égalité. Cette loi protège par exemple les femmes des « certificats de virginité », de la polygamie ou encore des mariages forcés.

De plus, même si le défi islamiste est réel, cette loi vise également d’autres courants idéologiques, notamment les milieux identitaires d’extrême droite tels que ceux du collectif Némésis qui ne voient le sexisme que lorsqu’il est le fait d’étrangers de confession musulmane. Ces militantes prétendument féministes ont donc la fâcheuse tendance à oublier que les femmes ont été victimes des interprétations les plus fanatiques de toutes les religions. Pas que d’une seule !