AJ+ : L’idéologie des Frères musulmans à l’assaut des jeunes connectés

Média internet lancé en 2014 par le groupe qatari Al Jazeera Media Network et diffusé en quatre langues (anglais, espagnol, arabe et français), la chaîne AJ+ s’est imposée ces dernières années comme l’un des modèles « alternatifs » aux médias traditionnels. Rédigés selon des codes qui séduisent notamment les plus jeunes, sous des aspects de modernité, la chaîne met à l’index insidieusement le modèle républicain et laïque et promeut une vision communautariste de la société, un peu à l’anglo-saxonne, un projet de société qui convient aux milieux identitaires et islamistes, car il leur permet d’ériger des micro-sociétés dans leur société et ainsi, au nom d’un relativisme culturel, banaliser un mode de vie anti-égalitaire, antiféministe et in fine archaïque.

Derrière AJ+, l’ombre d’Al-Jazeera

À l’instar de sa grande sœur la chaîne Al-Jazeera, créée en 1996, AJ+ est l’un des principaux relais francophones de la propagande frériste.

Sous des allures modernes, Al-Jazeera a été conçue, dès sa naissance, à l’image des grands médias anglo-saxons. Pourtant, elle est loin d’être une CNN du monde arabe même si la forme obéit aux normes internationales en matière d’information télévisuelle. Il s’agit d’un média de propagande qui banalise le projet islamiste de manière subtile. Ben Laden et les leaders d’Al-Qaïda étaient interviewés le plus normalement du monde, tout comme les talibans et d’autres représentants d’organisations terroristes. Le directeur général de la chaîne, Wadah Khanfar, était un membre de l’organisation des Frères musulmans en Jordanie et l’un des plus proches collaborateurs de l’émir du Qatar.

Le cheikh Youssef Al-Qaradaoui, l’un des idéologues des Frères musulmans et l’une des figures les plus suivies par la mouvance islamiste frériste, lui aussi très proche de la famille royale qatarie, occupe des responsabilités importantes au sein du conseil d’administration de la chaîne. Il avait d’ailleurs sa propre émission intitulée « La charia et la vie ».

L’intellectuel réformiste tunisien Khaled Shawkat, directeur d’un centre aux Pays-Bas pour promouvoir la démocratie dans le monde arabe parle de la chaîne en ces termes : « La stratégie médiatique d’Al-Jazeera n’aspire plus à être en compétition avec celle de la BBC ou de la CNN, notamment au niveau de professionnalisme, d’indépendance et de courage. Au contraire, elle est devenue une chaîne affiliée à une certaine organisation politique, idéologique et religieuse dont elle cherche à diffuser les valeurs auprès du public arabe ».

En outre, nombreux sont les dirigeants des Frères musulmans à avoir utilisé Al-Jazeera comme porte-voix de leur message. Le guide suprême des Frères musulmans, Mahdi Akef, y est apparu en 2006 ainsi qu’un membre du Conseil général d’orientation des Frères musulmans, Al-Abdul Munim Abdul Al-Futuh en 2004.

AJ+, une plateforme de soft Power islamiste qui vise la jeunesse

Proposant un service de courtes vidéos sous-titrées qui s’affranchit des médias traditionnels sur le modèle Brut, Konbini ou encore Tik Tok, l’objectif d’AJ+ est très clair : viser la jeunesse.
Interrogée en 2018 par Libération, la directrice de la rédaction Dima Khatib, de nationalités syrienne et palestinienne, explique vouloir « être la voix de tout le monde », et « offrir plus d’espace aux moins privilégiés, faire entendre la voix de ceux qui n’en ont pas ».

La ligne éditoriale de la rédaction française est en effet très « woke », les thématiques mêlant néo-féminisme, droits LGBT+, luttes contre les discriminations, préservation de l’environnement et autres sujets dits progressistes tout en étant constamment très critique envers les états israéliens et saoudiens (pays rivaux du Qatar) et très largement complaisants avec les violations des droits au sein de l’émirat, sponsor de la chaîne.

Ainsi, sous couvert d’un progressisme féministe et LGBT, AJ+ est en réalité un outil de propagande du Qatar et d’une idéologie mêlant frérisme et décolonialisme avec une « fascination pour la notion de races, l’omniprésence des indigènes de la République, l’obsession pour le conflit israélo-palestinien, la promotion du voile, des partis pris et un soutien à Tariq Ramadan ».
En août 2019, AJ+ a quand même affirmé que la pensée des Lumières était à l’origine du suprémacisme blanc. Rien que ça !